Ben Helmer : mort et renaissance
Les portes de la banque s'ouvrent sur son passage, lui soufflant au visage un mélange de parfum de luxe et d'eau de toilette bon marché. Il n'aime pas le rez-de-chaussée, avec tous ces ouvriers, ces petits smicards qui viennent mendier quelques milliers de dollars à peine, histoire de pouvoir s'acheter une petite auto dans laquelle ils auront le mauvais goût de caser des imprimés léopards sur lesquels gerberont allègrement leurs chiards. Oui, parce que les pauvres, ça se trimbale toujours une armée de morveux.
Mais lui, Ben, il a grimpé les échelons. Le menu fretin, c'est pas pour lui. Lui, il est à l'étage. Requin parmi les requins.
D'un oeil distrait, il regarde sa montre, vérifie que ses cheveux sont bien coiffés dans le reflet d'une vitre. Parfait. Il marche en conquérant sur la moquette rouge sang. Ben Helmer, un homme qui a les dents longues.
Tandis qu'il appuie sur le bouton d’ascenseur, il entend tousser derrière lui. Il se retourne pour découvrir une jeune femme au dos voûté, au teint maladif. Elle a le regard nébuleux, presque fiévreux. Il se dégage d'elle une odeur de transpiration et de crème au monoï. Le visage de Ben se froisse, ça sent la basse couche sociale.
-Je peux vous aider ?
-Oui, vous auriez un mouchoir ?
Surpris, il sort néanmoins de sa poche intérieur un petit carré de tissu, bleu de Prusse.
-Tenez, prenez. Et gardez le.
La petite clochette annonçant l'arrivée de l'ascenseur tinte. Toujours galant, il invite la demoiselle à entrer en première. Il se rend compte alors que cachée dans sa jupe, se trouve une bouille brune.
Alors, les écumes du passé suintent sur sa mémoire. Il se revoit, lui-même, dans les jupes de sa mère, sentant elle aussi, le savon bon marché, ses mains déformées par une pratique assidue de la couture.
-Monsieur ? Monsieur ? Quel étage ?
L'esprit encore cotonneux, il peine à revenir à la réalité. Il n'est plus l'enfant aux maigres mollets et aux lunettes rapiécées, celui qui peinait à marcher car il n'avait plus de semelles à ses souliers.
-Septième étage, s'il-vous-plaît.
La montée est lente, atrocement lente, lui semble-t-il. Au moment où la mère et son fils commencent à sortir de l'ascenseur, au quatrième, il les interpelle.
-Attendez.
Il ne sait pas pourquoi il leur parle, les mots semblent sortir tout seul.
-Attendez...voici...voici ma carte. Si vous avez besoin de conseils ou autres, n'hésitez pas. Je suis Ben Helmer. Pour vous servir.
Les sourcils de l'enfant se soulèvent, la mère émet un hoquet de surprise.
-M...merci. A bientôt.
Et elle s'éloigne, la petite madone. Lui, monte d'étage en étage. Et plus, l'ascension se fait, plus il se demande s'il ne s'est pas éloigné de ce qu'il était véritablement.
Qui est-il, Ben Helmer ?
La journée se passe, il traite les dossiers. Vomit des chiffres, jouent avec des sommes et des noms qui n'ont plus rien d'humains, plus rien de réels.
Les portes de la banque s'ouvrent sur son passage, lui soufflant au visage un mélange de parfum de luxe et d'eau de toilette bon marché.
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Les portes de la banque s'ouvrent sur son passage, lui soufflant au visage un mélange de parfum de luxe et d'eau de toilette bon marché. Il n'aime pas les étages supérieurs, avec tous ces pdg et rentiers, grassouillets et grossiers, qui viennent le racketter pour payer à leur mémère une énième liposuccion, alors qu'à côté ils crachent des billets pour faire danser des gamines attardées sur leurs genoux.
Mais lui, Ben, il a gravit les échelons. Il sait maintenant que l'Enfer, c'est pas sous terre, mais dans une cage de verre, entourée de femmes poudrées et de patrons qui se marrent quand leurs salariés se sont défenestrés.
Alors, ce matin là, Ben, il est à peine étonné, quand il entend derrière lui, de nouveau tousser. Il se retourne, et cette fois-ci, ce n'est pas l'écume du passé qui lui revient en pleine face, mais celle d'un homme, poussant de longs râles, aux yeux révulsés. Ce-dernier, comme enragé, se jette sur lui.
Ben, le saisit, le plaque contre les portes d'ascenseur.
-Bordel mais...?
Il réalise que le type est pas vivant, il sent son haleine étrange, il entend ses dents claquer dans un rythme endiablé. Et toujours, ce râle. Des cris s'élèvent derrière lui. Du coin de l'oeil, il distingue d'autres créatures du même acabit.
-C'est quoi ? Bordel, merde ! C'est quoi, c'est un film ? Hein, c'est ça ?
Mais seuls des pleurs et des appels au secours lui répondent. Avec peine, Ben appuie sur le bouton de l'ascenseur. Les secondes passent, il a de plus en plus de mal à retenir ce type, complètement enragé. Mais que faire ? Il ne va pas le buter, quand même !
Les muscles de ses bras se relâchent, ses forces le quittent. Quand enfin, les portes s'ouvrent de nouveau. Il assène un coup de pied dans le ventre du dingue qui s'écrase contre un miroir mural. Tintement de clochettes, les portes se ferment à nouveau.
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Ainsi s'est faite la première rencontre de Ben Helmer avec un rôdeur. Là où suinte la plus grande guillotine sociale, les morts se sont pour lui relever, lorsqu'enfin lui aussi, s'est accordé une seconde vie.
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Voilà un petit background sans prétention, j'espère qu'il te plaira ! Pardon pour les fautes, j'ai un peu mal au crâne, je me relirai plus tard.